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06/10/2025

La Bossue

"Je hais le machisme de la culture du livre qui exige la pleine et entière pratique de ces 5 critères de la bonne santé : voir avec les yeux, pouvoir tenir un livre dans ses mains, pouvoir tourner les pages, pouvoir endurer la position de la lecture, pouvoir aller à sa guise dans une librairie acheter un livre. Je hais l'arrogance imbécile de tous ceux qui «  adorent les livres » sans se rendre compte du privilège orgueilleux qu'ils expriment par là."

 

Atteinte d'une myopathie myotubulaire, comme l'autrice, ma narratrice de ce roman a pour objectif d'être enceinte pour pouvoir avorter comme n'importe quelle femme valide. Le ton est donné. sao ichikawa
Dénonçant avec rage la violence d'une société validiste, décrivant avec précision tous les empêchements physiques, matériels qu'elle doit affronter pour (sur) vivre, elle déverse sur les réseaux sociaux ses fantasmes sexuels, ses réflexions acides jusqu'au jour où un intervenant du foyer de vie où elle demeure l'identifie...
Attention, ce livre brûle les mains. Pas de pathos, pas de misérabilisme mais une provocation permanente qui en dérangera plus d'un.e. 

 Merci à l'éditeur et à Babelio.sao ichikawa

 

 Editions Globe 2025. Traduit du japonais par Patrick Honnoré. 

 

 

 

 

 

 

04/10/2025

La vie ressemble à ça/ Ce que j'ai appris et compris (jusqu'ici)

« L'espoir est une exigence intellectuelle, un muscle qui se travaille. Il est beaucoup plus facile de penser que tout est foutu d'avance.
L'espoir est exigeant. Il faut se forcer. Y mettre du sien. »

Sous la forme d'un joli carnet épais de 239 pages, Titiou Lecoq a rassemblé dans un joyeux bric -à - brac, qui s'affranchit même de l'ordre alphabétique, des conseils, citations, réflexions allant de l'éducation des enfants aux préoccupations féministes , en passant par des conseils pratiques issus de son expérience ou de celles de ses lectrices. titiou lecoq
Elle en profite au passage pour rectifier certaines idées  reçues (sur la fameuse expérience de Milgram , qu'elle réinscrit dans son contexte , deux ans après le procès d'Eichmann et révèle que " Milgram a tordu le résultat de  ses expériences.je vous laisse lire les détails, et que "la conclusion selon laquelle nous nous serions tous docilement soumis aux ordres génocidaires est donc fausse. " Idem pour l'expérience de la grenouille ébouillantée petit à petit: les grenouilles s'échappent. 
Elle nous relate aussi, de manière très vivante, une de ses interventions dans une classe sur le thème de l'égalité femme/homme,  nous incite tantôt à relativiser, les luttes mettent souvent beaucoup de temps à aboutir, mais nous rappelle aussi que "Pour changer les choses, il ne faut pas seulement modifier les idées et les esprits. Il faut aussi modifier les conditions matérielles d'action. "
Bonne promenade dans dans ces réflexions hétéroclites, souvent pleines d'humour, dont chacun.e pourra faire son miel. 


 Editions de l'Iconoclaste 2025. 

 

 

 

03/10/2025

#LesUniversalistes #NetGalleyFrance !

""C'est une sorte de Bûcher des vanités contemporain, finit-elle par ajouter, qui éclaire dans toute leur complexité les enjeux du racisme, des classes sociales et de la cupidité capitaliste à l'ère des réseaux sociaux !""

Un fait-divers sordide en pleine pandémie de Covid , un homme a été assommé par un lingot d'or dans une propriété squattée du Yorkshire, vient opportunément  lancer ou relancer la carrière de deux femmes travaillant dans la presse.   natasha brown
Hannah, jeune journaliste , interroge en effet les différents protagonistes et , manipulée par Lenny, une essayiste en mal de reconnaissance , rédige un récit capable d'agiter dangereusement la société. Seul le story telling (communication narrative) compte et la vérité , qui va s'avérer plus complexe, a bien peu d'importance ...
Dans ce récit polyphonique, Natasha Brown brosse un portrait sans complaisance d'une société britannique contemporaine à l'heure des vérités alternatives...

Grasset 2025, 240 pages, traduit de l'anglais par Marguerite Capelle.natasha brown

24/09/2025

#Léducationphysique #NetGalleyFrance !

" Elle partait du principe qu'elle n'était qu'une marchandise, une pièce de bétail doté d'un corps que les autres pouvaient manipuler à leur guise: les petits garçons, les médecins, les professeurs..."

Catalina, seize ans, s'enfuit de la maison de campagne de sa meilleure amie, car on le devine, le père de cette dernière a eu un comportement inapproprié.Le choc est d'autant plus rude que la jeune fille avait idéalisé cet homme en tant que figure paternelle bien plus positive que son propre père. rosario villajos
En effet , chez elle, par peur du viol, d'une grossesse non désirée et surtout du qu'en dira-t-on, les parents de la jeune fille la maintiennent corsetée (sa mère allant jusqu'à lui faire porter une gaine !). Il lui faut donc absolument rentrer avant vingt-deux heure.
Scandée par des schémas d'horloge, nous suivons donc l'attente d'un hypothétique bus ou, plus dangereux , celle d'une voiture. En effet, trois  jeunes filles viennent d'être retrouvées, massacrées.
Double suspense donc, mais surtout flot de pensées de Catalina qui a très vite pris conscience que, dans une société patriarcale, les femmes ont moins de valeur, moins de liberté que les hommes et que ces derniers, par leur double discours, auront toujours raison aux yeux du système. 
C'est aussi la conscience d'un corps en plein changement, impossible à contrôler et que la jeune femme voudrait parvenir à faire disparaître...Constat d'une jeune fille en 1994 en Espagne mais qui demeure encore douloureusement d'actualité. Un récit saturé, qui parvient à nous faire ressentir cette sensation d'étouffement, de contraintes répétées, de manière magistrale. 

 

 Traduit de l'espagnol par  Nathalie Serny.  Métaillié 2025. rosario villajos

 

23/09/2025

Les Bons Voisins

"L'Histoire, ce n'est pas seulement ce qu'il y a dans les livres d'histoire, c'est ce dont on se souvient. "

Sous prétexte de photographier des maisons où un crime eu lieu, Cath revient sur l'île de Bute, au large de l’Écosse, île où elle a vécu durant son adolescence et où a meilleure amie, Shirley a été assassinée. nina allan
L'occasion de mener une enquête par des chemins de traverse, dans tous les sens du terme. En effet, atteinte d'un nystagmus qui déforme sa vision, l'enquêtrice amateure envisage les faits, les mains et les gens d'une manière singulière.
Tout comme l'autrice d'ailleurs qui juxtapose les époques, entre dans le cerveau d'un protagoniste pour qui les bons voisins, à savoir les fées, lutins et autres bonnets rouges, sont redoutables et fait dialoguer son héroïne avec son amie morte. 
On se demande parfois où tout cela va aboutir mais ce roman où plane le souvenir d'Angela Carter (et de sa "compagnie des loups") réussit le pari de ne pas nous lâcher et de boucler l'affaire de manière virtuose. Une autrice dont je vais poursuivre la découverte. 

 

 Traduit de l'anglais par Bernard Sigaud. Editions Tristram 2025. 310 pages surprenantes. 

 

13/09/2025

Ne jetez pas les sirènes avec l'eau du bain...en poche

 

"Il y a la queue. c'est stupéfiant. Les gens se sont mis en file indienne et attendent leur tour. Ils veulent payer pour pouvoir s'immerger dans un grand bac aveuglant et strident d'hallucinations auditives générées par l'écho, hallucinations qui empêchent de distinguer un cri de détresse d'un éclat de rire. "

Elles sont trois femmes, et un petit garçon, Elliott, sept ans, à se croiser dans une piscine municipale. La piscine comme une parenthèse dans leurs vies, parenthèse appréciée ou non. L'occasion de revenir sur leur enfance, dont Sidonie ne semble pas être sortie, mais aussi sur leurs corps (Laure n'a pas oublié qu'avant elle était dodue) ou leur relation avec leur compagnon (celui de Marion régente la vie familiale).
Rien de bien original ? Peut- être. Mais tout l'art de l'autrice de du vent dans mes mollets, que nous retrouvons ici avec beaucoup de plaisir est de procéder par petites touches, de ne jamais forcer le trait et de doser au plus juste les émotions, sans oublier quelques traits d'humour dont elle est spécialiste.raphaële moussafir
Elle donnerait presque envie à ceux qui ,comme Sidonie,envisagent la piscine comme un enfer chloré d'aller y faire un tour. Un très agréable moment de lecture.

08/09/2025

DJ Bambi

"Les gens voudraient savoir ce qu'on ressent quand on ne fait partie d'aucun groupe, quand on en aurait envie mais qu'on  n'en a pas la possibilité, ils veulent par leurs  lectures se confronter à ce qu'ils craignent de vivre, connaître la souffrance d'autrui et découvrir ainsi de nouvelles facettes d'eux-mêmes. "

Depuis six décennies, celle qui a choisi comme nouveau prénom Logn, à savoir l'absence totale de vent, vivait dans un corps d'homme.  Il lui a fallu beaucoup de temps pour cerner son identité (était-elle homosexuelle?) et trouver le courage de le dire à sa famille.
Isolée quasiment de tous, seul son frère jumeau vient le voir quotidiennement, et même s'il est laconique, sa présence témoigne de son soutien et de son amour, la tentation du suicide n'est jamais bien loin.  L'attente de "l'opération du bas" et la rencontre d'une ancienne camarade de classe, journaliste qui veut écrire sur elle , conduit Logn à se plonger dans ses souvenirs.audur ava olafsdottir
La question de l'identité, mais aussi celle du temps car Logn considère qu'elle "n'[est]pas encore née"sont au cœur de ce roman tout en pudeur et poésie.
Le personnage de l'écrivaine, une certaine Audur T. , s'interroge beaucoup sur la pertinence de ce projet d'écriture qu'elle ne cesse de tourner dans tous les sens et finit par conclure:
"Pour être tout à fait honnête, Gudridur Logn,  tu es l'une des femmes les plus normales que j'aie jamais rencontrées. "
Audur Ava Olafsdottir n'a pas écrit un roman-dossier sur la transidentité mais un texte sensible, parfois humoristique, ni pessimiste, ni optimiste à tout crin, sur une quête d'identité qui a pris son temps pour aboutir. Un roman plein d'émotion et de justesse qui file sur l'étagère des indispensables.

 Traduction de l'islandais par  Eric Boury.

 Editions Zulma 2025

PS: Un roman qui donne envie de découvrir le roman de l'écrivain juif autrichien Felix Salten, Bambi, la vie dans les bois, publié en 1923, apparemment très différent de la version du dessin animé de Walt Disney...

07/09/2025

Assemblage...en poche

"La réponse: l'assimilation. Toujours, cette pression, pile à cet endroit. Assimilez-vous, assimilez-vous... Dissolvez-vous dans le melting-pot. Puis coulez-vous dans le moule. Pliez vos os jusqu'à ce qu'ils craquent, se fendent,jusqu'à ce que ça rentre. Forcez-vous à épouser leur forme. Assimilez-vous, voilà à quoi ils exhortent, à quoi ils encouragent. Puis ils froncent les sourcils. Encore. Et encore. Et toujours, en ligne de basse, sous le vocabulaire insistant de la tolérance et de la convivialité - disparaissez ! "

 

Elle a travaillé deux fois plus, su faire face à "cette course faite d'obstacles perpétuels", parce qu'elle est femme et parce qu'elle est noire dans un monde fait pour les Hommes Blancs.
Un monde où le racisme est soigneusement nié et où on exhorte les minorités à se fondre dans la masse, même si le vocabulaire , via ses connotations, porte la marque d'une Histoire et de ses préjugés. Un monde où on n'hésite pas à lui dire frontalement que si elle a été promue c'est parce qu'elle permet à l'entreprise de valoriser les minorités. Un monde où un employé d'aéroport, nonobstant le billet de classe affaire présenté, vous oblige à faire la queue au guichet auquel votre couleur de peau vous assigne.natasha brown
Cette violence larvée la narratrice s'en protège en se tenant à distance de ses émotions ,en apparence, mais la lave intérieure bouillonne et son regard acéré n'épargne personne . Même pas le jeune privilégié qui prétend l'aimer.
Un récit dense, sans concessions, qui file droit sur l'étagère des indispensables. 

06/09/2025

Copeaux de bois...en poche

" contrôle silhouette: biceps pectoraux abdos
   jamais été aussi musclée
   ni aussi bronzée si tôt dans l'année
   la forêt est à la fois ma salle de sport et mon institut de
beauté
   en un peu moins safe"

 Écrivaine et bûcheronne, une double casquette un peu bizarre, mais c'est celle d' Anouk Lejczyk (dont j'avais adoré le premier roman Felis silvestris )  qui nous livre ici, consigné au jour le jour, le récit de son apprentissage pour devenir bûcheronne.Anouk Lejczyk
Le corps,  la nature sont bien évidemment au cœur de ce texte surprenant par les contradictions qui le hantent: comment peut-on aimer la nature et couper des arbres ? Comment être un femme dans un monde majoritairement masculin ? Les réponses qui nous ici livrées sont souvent humoristiques  (le portrait d'un formateur  livré brut de décoffrage vaut sacrément le détour et se passe totalement de commentaires) ,mais aussi nuancées et inattendues.  Un texte à découvrir absolument.

05/09/2025

Fabriquer une femme...en poche

"   Ils se promènent dans le monde. Mais le monde est posé sur une énorme  machinerie suppliciante qui utilise le corps des femmes comme des rouages pour autoriser l'humanité à se promener , à boire des cafés, à naître et à mourir dans le bruit des pistons. "

  Dans ce roman, Marie Darrieussecq retrouve le personnage de Solange, héroïne de Clèves.  Solange a quinze ans , elle est enceinte et semble totalement engourdie par cette grossesse que la mère de sa meilleure amie, Rose découvre accidentellement. Il est trop tard pour avorter.
Solange connaît un accouchement  apocalyptique et donne naissance à un fils dont elle ne se préoccupe guère. marie darrieussecq
Ce qui la fait revenir à la vie, c'est le théâtre, découvert au lycée. Dès lors la jeune femme enchaîner les relations sans lendemain, connaît d'abord Bordeaux, puis Paris et ses fêtes des années 80, tout en essayant de mener à bien sa carrière d'actrice.
En parallèle, Rose, issue d'un milieu plus favorisé, semble suivre une voir toute tracée: études de psychologie,mariage avec son amour de jeunesse, enfants dans la foulée. De loin en loin, les amies se retrouvent et  l'autrice s'amuse à raconter, mais par petites touches, des événements selon le point de vue de chacune.  Et souvent le fossé est énorme...
Rien ne semble les relier, mais pourtant ces deux jeunes femmes si différentes maintiennent leur lien d'amitié jusqu'au moment qui doit être un sommet pour Solange : la première d'un film américain dans lequel elle a tourné...
Les années 80 , l'arrivée du Sida, les fêtes, tout ceci est particulièrement bien rendu dans ce roman qui fait la part belle aux femmes. Souvent, les personnages nous demeurent opaques, mais c'est tant mieux, car qui peut dire qu'on agit toujours de manière sensée ? Un roman dont la structure est particulièrement bien maîtrisée.